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Plus-value de cession de titres et démembrement : calcul du prix d’acquisition en cas de remploi

08.06.2017 10:00 | Fidroit, Financier, Fiscalité

Le Conseil d’Etat se prononce sur la prise en compte des frais d’acquisition se rapportant à l’usufruit par le nu-propriétaire.

Ce qu’il faut retenir

Lorsque le prix de cession des titres démembrés est remployé dans un nouvel actif démembré, l’impôt de plus-value est entièrement à la charge du nu-propriétaire (BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60 § 100).

Dans cette hypothèse, le prix d’acquisition pour le calcul de la plus-value est majoré de la somme des frais et taxes acquittés par l’usufruitier et le nu-propriétaire pour l’acquisition de leur propre droit.

Conséquences pratiques

Les frais acquittés par l’usufruitier pour l’acquisition de son droit viennent réduire la plus-value imposable au nom du nu-propriétaire au même titre que les frais relatifs à la nue-propriété.

La solution devrait pouvoir être transposée à l’hypothèse dans laquelle la plus-value est imposable au nom du seul usufruitier.

Ceci constituerait un argument supplémentaire en faveur des stratégies de « donation avant cession » lorsqu’un quasi-usufruit sur le prix est mis en place (voir actualité précédente : Donation avant cession avec quasi-usufruit sur le prix de cession : le Conseil d’Etat valide à son tour (CE 10/02/2017). En effet, non seulement la donation purgerait la plus-value latente sur la nue-propriété mais en plus, l’usufruitier pourrait déduire de la plus-value se rapportant à l’usufruit, les droits de donation acquittés par le nu-propriétaire.

Pour aller plus loin

En application de l’article 150-0 D du Code général des impôts, les plus ou moins-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux sont calculées par différence entre « le prix effectif de cession des titres ou droits, nets des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d’acquisition par celui-ci ou, en cas d’acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation ».

L’administration précise à ce titre que le prix ou valeur d’acquisition peut être majoré des frais d’acquisition  lorsqu’ils sont « effectivement supportés par le contribuable » (droits de mutation, des honoraires du notaire rédacteur de l’acte ou encore des frais d’actes et de déclaration).

BOI-RPPM-PVBMI-20-10, § 1
BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-30 § 80 et s. 

Pour en savoir plus, voir doc expert : « PVM : Valeurs mobilières et droits sociaux« .

Lorsque des titres démembrés sont cédés avec remploi du prix dans un nouvel actif démembré, la plus-value est imposée au nom du nu-propriétaire. Il n’existe donc aux yeux de l’administration qu’un seul contribuable.

Comment alors déterminer le prix effectif d’acquisition et en particulier, les frais à prendre en compte, en l’absence d’identité entre la qualité de cédant et de contribuable ?

Le Conseil d’Etat apporte à cette question une réponse de principe dans sa décision du 11 mai 2017…

Par acte de donation du 22 juin 2007, deux enfants ont reçu de leur père la nue-propriété de 275 000 actions de SAS. L’usufruit de ces titres a été quant à lui donné à leur mère.
Les parties ont ensuite procédé à la cession des titres en cause, en pleine propriété après s’être engagés à remployer les fonds issus de la cession pour l’acquisition d’un autre bien, sur lequel l’usufruit détenu par leur mère pourrait se reporter.

A la suite de cette cession, les nus-propriétaires ont chacun déduit de la moins-value enregistrée dans leurs déclarations de revenus respectives au titre de l’année 2007, les droits acquittés dans le cadre de la donation effectuée par leur père en y incluant ceux que leur mère avait acquittés pour recevoir l’usufruit.

A la suite d’un contrôle sur pièces des déclarations de revenus des années 2007 et 2008, l’administration a remis en cause la déduction des frais payés par l’usufruitière des titres et ont procédé à un nouveau calcul du résultat de l’opération de cession aboutissant à l’annulation de la moins-value déclarée en 2007 et de la moins-value reportable en 2008 et notifié, en conséquence, aux requérants un rehaussement d’impôt sur leurs revenus au titre de ces deux années.

Les contribuables ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de leur accorder la décharge, en droits et pénalités, des compléments d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008 et d’intégrer à leur imposition de l’année 2007 une moins-value reportable supplémentaire d’une valeur de 43 505,70 euros.
N’ayant pu obtenir gain de cause en première instance et en appel, ces derniers se sont pourvus en cassation.

Le Conseil d’Etat annule l’arrêt d’appel. Selon la juridiction, si en principe, le prix effectif d’acquisition mentionné à l’article 150-0 D ne comprend que les frais et taxes acquittés par le cédant à l’occasion de l’acquisition du bien cédé, « dans l’hypothèse, d’une part, où le cédant est le nu-propriétaire et, d’autre part, lorsque le prix de cession est remployé pour l’acquisition d’un autre bien sur lequel le démembrement est reporté, le prix effectif d’acquisition comprend l’ensemble des frais et taxes qui ont grevé l’acquisition, tant de la nue-propriété que de l’usufruit, alors même que ces frais ont été acquittés par l’usufruitier ». 

Le nu-propriétaire est donc, en pareil cas, « en droit de se prévaloir des frais acquittés par l’usufruitier pour l’acquisition de l’usufruit pour le calcul de la plus-value imposable à raison de laquelle il est le seul susceptible d’être taxé ». 

Le Conseil d’Etat semble se baser sur le fait que seul le nu-propriétaire est redevable de l’impôt lorsqu’un remploi du prix est convenu entre les parties, de telle manière que l’usufruitier n’est pas susceptible de déduire lui-même les frais qu’il a supportés d’un quelconque impôt.

Si le calcul de la plus-value imposable entre les mains du nu-propriétaire intègre le prix ou la valeur du droit reçu par l’usufruitier qui n’est pourtant pas un prix acquitté par le nu-propriétaire, il paraît logique d’accepter, symétriquement, que les frais ayant grevé l’acquisition de ce même droit puissent être pris en compte.

Cette décision renforce l’intérêt des opérations de « donation avant cession » ayant pour but de purger la plus-value latente. Le coût fiscal de l’opération sera en effet d’autant plus faible que l’impôt relatif à la donation de la nue-propriété pourra être déduit de la plus-value non purgée sur l’usufruit. Ceci pourra même permettre de constater une moins-value imputable sur des plus-values de même nature (ou reportable) si la totalité de la plus-value a été purgée lors de la donation. Ce sera notamment le cas, à l’instar des faits de la décision ici commentée, lorsque la nue-propriété et l’usufruit ont été donnés avant la cession.

Rappelons qu’en l’absence de réappropriation des capitaux par le donateur, la jurisprudence écarte la qualification d’abus de droit, même lorsque des charges contraignantes sont imposées au donataire ou qu’un quasi-usufruit est mis en place sur le prix de cession des titres (voir actualité précédente).

Droit cédé* Personne ayant payé les frais d’acquisition relatifs au droit cédé (ex. droits de donation) Majoration du prix d’acquisition
Usufruit Usufruitier Oui
Nu-propriétaire ou tierce personne (ex. donateur) Non
Nue-propriété Usufruitier Oui
Nu-propriétaire ou tierce personne (ex. donateur) Non

* Qu’il soit cédé isolément ou conjointement dans le cadre d’une cession des titres démembrés, et quel que soit le sort du prix de vente.

Source : Fidroit