Ce qu’il faut retenir
Les propriétaires d’immeubles locatifs peuvent être considérés comme des professionnels au sens du Code de la consommation si l’activité de location est importante. Cette importance peut résulter du nombre d’acquisitions destinées à la location ou encore de l’exercice de cette activité sous le statut de loueur en meublé professionnel.
Lorsque le caractère professionnel de l’activité de location est caractérisé, l’application des dispositions protectrices du consommateur doit être écartée, y compris lorsque l’offre de prêt se réfère au Code de la consommation.
Cass. civ. 1 du 22 juin 2017 n°16-18.718 non publié au bulletin
Conséquences pratiques
Les personnes physiques et les sociétés patrimoniales dont l’activité de location d’immeubles peut être qualifiée de professionnelle relèveront des seules dispositions du droit commun dans leurs relations avec la banque (C. civ. art. 1892 et s. relatifs au prêt de consommation notamment).
De nombreuses règles ne trouveront pas à s’appliquer (sauf disposition contraire) :
- Dispositions relatives à l’offre, aux mentions obligatoires et au délai de réflexion de dix jours (loi Scrivener) ;
- Faculté de résiliation de l’assurance-emprunteur (dont les règles sont modifiées depuis le 22 mars 2017 ;
- Plafonnement des indemnités de remboursement anticipé ;
- Délai de prescription des actions du prêteur fixé à 2 ans ;
- Compétence du Tribunal d’Instance ;
- Etc.
La règle de l’interdépendance du contrat de prêt et du contrat principal (ex. la vente) devrait en revanche persister car elle est désormais intégrée au droit commun (C. civ. art. 1186).
Pour aller plus loin
Contexte
L’emprunteur non professionnel qui sollicite un prêt immobilier fait l’objet d’une protection accrue dans ses relations contractuelles avec la banque.
Ce dispositif, issu de la loi Scrivener du 13 juillet 1979, et par la suite modifié par une ordonnance du 25 mars 2016, a fait l’objet d’une codification au code de la consommation, articles L313-1 et suivants, dont l’application est d’ordre public.
Champ d’application
Le domaine du Code de la consommation en matière de crédit immobilier recouvre les prêts consentis « de manière habituelle par toute personne physique ou morale » et destinés à financer certaines opérations concernant un immeuble à usage d’habitation ou professionnel et d’habitation : acquisition, travaux de réparation, d’amélioration et d’entretien, souscription ou achat de parts de société immobilière d’attribution, achat de terrains destinés à l’édification d’un immeuble d’habitation (C. conso. Art. L313-1).
A l’inverse, le Code de la consommation n’a pas vocation à s’appliquer aux prêts destinés à financer une activité professionnelle, notamment « celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d’immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance » (C. conso. Art. L313-2).
Semblent donc exclus de la protection du code de la consommation, les prêts destinés à financer l’activité des sociétés civiles immobilières. Quant aux personnes physiques, elles pourront être exclues du champ d’application des dispositions sur le crédit immobilier chaque fois qu’elles louent des immeubles à titre habituel.
Cette définition dérogatoire n’est toutefois applicable qu’aux dispositions du chapitre III du titre IV relatif au crédit immobilier. Pour les autres dispositions du Code de la consommation qui ne comporteraient pas elles-mêmes de définition spécifique (notamment le délai de prescription ; C. conso. art. L137-2), les notions de consommateur, de non-professionnel et de professionnel sont définies dans l’article liminaire de la manière suivante :
- « consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;
- non-professionnel : toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ;
- professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ».
On pourrait donc imaginer qu’une même personne puisse relever du code pour certaines dispositions et être exclu du champ d’application de certaines autres…
Etendue de la protection
Le dispositif protecteur comporte de nombreuses règles spécifiques destinées à protéger l’emprunteur non-professionnel. En voici quelques exemples :
- Le prêteur est notamment tenu de formuler par écrit une offre de prêt (C. conso. L313-24). L’emprunteur bénéficie alors d’un délai de réflexion de 10 jours à compter de sa réception.
- De nombreuses mentions doivent obligatoirement figurer dans l’offre, notamment les caractéristiques du prêt ou du crédit (montant, modalités, conditions d’assurance, échéancier des amortissements, taux effectif global etc.), délai de réflexion obligatoire, etc.
- L’offre est toujours acceptée sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé. Jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme du droit des obligations, le principe applicable en droit commun était celui de l’indépendance des contrats. L’article 1186 du Code civil précise désormais que « lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie ». Les incertitudes quant au champ d’application et à l’interprétation jurisprudentielle de cette toute nouvelle disposition nous amènent toutefois à nous interroger sur le niveau de protection accordé aux emprunteurs relevant du droit commun…
- Le remboursement anticipé ne peut être interdit par la convention de prêt et en cas d’utilisation de cette faculté, les indemnités ne peuvent excéder la valeur d’un semestre d’intérêts sur le capital remboursé au taux moyen du prêt et ne peuvent dépasser 3 % du capital restant dû avant le remboursement.
L’emprunteur professionnel, qui lui ne relève pas du Code de la consommation (sauf disposition contraire), ne peut se prévaloir de ces règles protectrices.
L’essentiel des rapports qu’il aura avec la banque sera régi par les éléments définis contractuellement, le droit commun du prêt ne prévoyant que peu de règles contraignantes.
Le contrat pourra prévoir ou non une faculté de remboursement anticipé. Si elle est prévue, les indemnités seront librement définies par le contrat. Le taux d’intérêt est lui aussi librement déterminé, sans aucune limite.
La convention pourra même prévoir une capitalisation des intérêts en cas de défaillance de l’emprunteur (C. civ. art. 1343-2) alors que ce type de clause est totalement exclu en présence d’un consommateur (Cass. Civ 1, 9 février 2012 n°11-14.605).
Quant à la prescription elle ne sera pas de 2 ans, mais de 5 ans (si l’emprunteur n’est pas commerçant).
Faits et procédure
Un couple a souscrit en 2006 un prêt en vue de financer l’acquisition d’un bien immobilier en vue de le louer sous le statut de loueur en meublé professionnel. Les emprunteurs ayant cessé les remboursements en 2009, la banque a, en 2013, prononcé la déchéance du terme et a fait pratiquer une saisie-attribution. Les emprunteurs ont contesté cette dernière devant le juge de l’exécution au motif que l’action serait prescrite.
N’ayant obtenu gain de cause en première instance et en appel, le couple de propriétaires se sont pourvu en cassation.
Décision
Pour la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi qui lui a été présenté, le fait que le prêt litigieux ait été souscrit « afin d’acquérir, sous le statut de loueur en meublé professionnel, un bien immobilier destiné à la location », justifie que « le prêt était destiné à financer une activité professionnelle, fût-elle accessoire, exclusive de la prescription biennale applicable au seul consommateur ».
Analyse
Pour apprécier le caractère professionnel de l’activité de location, et donc exclure l’application de la prescription biennale (C. conso. Art. L137-2), la Cour d’appel s’était davantage référé au texte de l’article L312-3 du Code de la consommation (désormais L313-2, lequel donne une définition du professionnel au sens du crédit immobilier).
La Cour d’appel avait en effet fondé sa décision sur le nombre important d’immeubles et la valeur du patrimoine immobilier du couple détenus par le couple. Selon elle en effet, le caractère professionnel résulte « de l’importance de l’activité que traduit le nombre des acquisitions destinées à la location ». Or les époux indiquaient avoir acquis en moins d’un an 15 lots au total représentant une valeur globale de 2 619 641 €.
Le statut de loueur en meublé professionnel constituait un argument supplémentaire pour qualifier l’activité comme telle mais sans que cet élément ne soit déterminant.
La Cour de cassation, à l’inverse, semble tirer des conséquences directes de cette qualification de l’activité au plan fiscal… Aussi, si cette décision affirme pour la première fois qu’une personne agissant dans le cadre de la gestion de son patrimoine privé puisse être considérée comme un professionnel au regard du Code de la consommation, la frontière entre professionnel et non professionnel n’est pas définie avec précision.
Il conviendra de rester attentif à d’éventuelles nouvelles jurisprudences en la matière.
Il est à noter que ni la Cour d’appel, ni la Cour de cassation n’ont tenu compte de la référence dans l’offre de prêt aux dispositions du Code de la consommation. Cette mention traduisait pourtant, à notre sens, l’intention des parties de se soumettre à ce dernier Code, en dépit de l’éventuel caractère professionnel de l’activité de location. Des jurisprudences passées avaient d’ailleurs autorisé une telle clause (cf. supra).
Source : Fidroit