Ce qu’il faut retenir
Un créancier muni d’un titre exécutoire peut saisir, entre les mains d’un tiers, les créances liquides et exigibles du débiteur pour en obtenir le paiement.
C’est en vertu de cette règle que l’administration fiscale, créancière de l’associé d’une SCI, a pratiqué une saisie-attribution sur les bénéfices non distribués de celle-ci.
La Cour de cassation refuse cette possibilité car les dividendes n’ont pas d’existence juridique avant la constatation de l’existence de sommes distribuables par l’organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé.
Elle considère ainsi que l’associé n’a aucune créance à l’encontre de la société jusqu’à la décision de l’assemblée générale.
Conséquences pratiques
Le droit aux bénéfices de l’associé est différent de sa créance de dividendes.
Si les associés d’une société ont vocation à se partager les bénéfices de celle-ci (C. civ. art. 1832), une décision collective est nécessaire pour décider de l’affectation des bénéfices, et, par conséquent, de leur distribution aux associés.
C’est pourquoi, tant qu’une assemblée générale n’a pas décidé de la distribution des sommes et de la part attribuée à chaque associé, les bénéfices font partie du patrimoine de la société et non de celui des associés.
Pour aller plus loin
Contexte
Le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à la saisie des créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, en vertu de l’article L. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution.
Pour ce faire, il est nécessaire que la créance du débiteur existe, la question se posant régulièrement en jurisprudence concernant les dividendes.
La solution est pourtant régulièrement réaffirmée : c’est la décision de distribution qui fait naître les dividendes.
Faits et procédure
Un associé d’une SCI est débiteur d’une somme d’argent à l’égard du Trésor Public. L’administration fiscale pratique une saisie-attribution auprès de la SCI des sommes dues par celle-ci à son associé.
La SCI conteste être débitrice de son associé puisque ses bénéfices n’avaient pas été distribués mais affectés au compte « report à nouveau ».
L’administration fiscale estime que la SCI a ainsi manqué à ses obligations de tiers saisi et l’assigne pour demander la délivrance d’un titre exécutoire à son encontre.
La Cour d’appel condamne la SCI à régler la somme à l’administration fiscale, en considérant que la créance au titre des bénéfices du gérant sur la SCI résulte de la déclaration des revenus fonciers de celui-ci.
La SCI se pourvoit alors en cassation.
Arrêt
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel en constatant que les dividendes n’ont pas d’existence juridique avant la constatation de sommes distribuables par l’organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé.
Par conséquent, la SCI n’était pas débitrice de son gérant en l’absence d’une telle décision.
Analyse
Cette décision confirme une position jurisprudentielle établie : en cas de saisie-attribution des bénéfices sociaux, la saisie effectuée auprès de la société est sans effet en l’absence de décision de distribution des bénéfices (voir notamment Cass. civ. 2, 23 nov. 2006, n° 05-20255).
Concernant les sociétés commerciales, ce principe figure expressément au sein du Code de commerce. En effet, l’article L. 232.-12 dispose, en son premier alinéa, qu’« après approbation des comptes annuels et constatation de l’existence de sommes distribuables, l’assemblée générale détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes ».
C’est donc la décision de distribution des bénéfices sociaux qui donne naissance aux dividendes. Toutefois, aucune disposition textuelle ne prévoit expressément une telle règle concernant les sociétés civiles. L’arrêt rendu le 13 septembre 2017 étend ainsi de manière explicite ce principe aux sociétés civiles.
Source : Fidroit