Les produits structurés prenant la forme d’EMTN sont éligibles aux contrats d’assurance-vie.
Ce qu’il faut retenir
Les supports éligibles aux unités de compte des contrats d’assurance-vie et de capitalisation sont ceux « offrant une protection suffisante de l’épargne investie et figurant sur une liste dressée par décret ».
C. Ass. art. L.131-1
Les produits structurés qui dans leurs termes et conditions ont la forme d’une obligation de droit français sont éligibles aux unités de compte des contrats d’assurance-vie et de capitalisation. Il s’agit notamment des EMTN (Euro Medium Term Notes), titres de créance de droit luxembourgeois.
Pour la Cour d’Appel de Bordeaux, le critère de « protection suffisante de l’épargne » est rempli par tous les produits figurant sur la liste du Code des Assurances.
CA Bordeaux, 28 juin 2018, n°16/03921
Conséquences pratiques
Les assureurs peuvent valablement commercialiser des contrats d’assurance-vie et de capitalisation dont les unités de compte comportent des EMTN.
Les investisseurs qui ont orienté leurs versements vers ce type de produits structurés ne peuvent invoquer leur incompatibilité aux unités de compte des contrats d’assurance-vie et de capitalisation pour demander des dommages et intérêts.
Quel que soit le support investi, il n’est pas possible de se prévaloir d’un défaut de protection suffisante de l’épargne si ce support figure sur la liste des produits éligibles du Code des assurances. Le niveau de complexité et le risque de perte en capital sont indifférents.
Pour aller plus loin
Contexte
Le 21 juin 2016, la Cour d’appel de Paris surprend une grande partie de praticiens en indiquant que les produits structurés qui ont la forme d’un EMTN ne peuvent pas être qualifiés d’obligations, à défaut de garantir à l’investisseur le remboursement de son investissement à terme, et doivent donc être exclus des actifs éligibles aux contrats d’assurance-vie.
Par un arrêt du 23 novembre 2017, la Cour de cassation censure la décision et apporte des précisions sur la définition d’une obligation (Cass. civ. 2. 23 nov. 2017, 16-22620). Ainsi elle précise que « la qualification d’obligation n’est pas subordonnée à la garantie de remboursement du nominal du titre ». Elle ne répond cependant pas à la question de savoir si les produits structurés respectent la condition de « protection suffisante de l’épargne ».
L’arrêt de la Cour d’Appel de Bordeaux, rendu le 26 juin dernier, relative aux mêmes supports d’investissement, apporte les précisions nécessaires.
Faits et procédure
Dans le cadre de la souscription de contrats d’assurance-vie ou de capitalisation, un conseiller financier propose une unité de compte dont le sous-jacent est un fonds structuré. Le fonds structuré est un fonds dont la performance dépend de conditions objectives définies contractuellement.
La formule la plus courante est un rendement de X% constaté si à une date définie la valeur globale d’un panier de valeurs mobilières est égale ou supérieure à sa valeur initiale. Par ailleurs, le capital est garanti jusqu’à une perte de Y%.
Arrêt
Les juridictions du second degré ont semble-t-il pris note de la décision de la Cour de cassation.
Aussi, la Cour d’appel de Bordeaux indique que le produit structuré en question dans ces 2 affaires « OPTIMIZ Presto 2 » se définit dans la partie termes et conditions du bulletin de versement et d’arbitrage comme une obligation de droit français. Le risque de perte en capital ne suffit pas à lui faire perdre cette nature car il ne s’agit pas d’une caractéristique essentielledont dépend la qualification d’obligation. Or, les obligations figurent bien sur la liste des produits financiers susceptibles de servir de support à un investissement en unités de compte telles qu’elle ressort des dispositions combinées des articles R131-1 et R332-2 du code des assurances dans leur rédaction applicable à l’époque des faits.
Pour la Cour d’Appel, les produits qui présentent une protection suffisante de l’épargne sont ceux mentionnés dans la liste des supports éligibles aux unités de compte du Code des Assurances.
Analyse
L’article R.131-1 du code des assurances mentionne les obligations comme des titres éligibles aux contrats d’assurance-vie et de capitalisation. Les obligations sont définies par le Code monétaire et financier comme « des titres négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale ». Cette définition ne comprend pas d’obligation de garantie du capital. Si les obligations sont des emprunts accordés à des entreprises ou des Etats, il est toujours possible pour l’investisseur de perdre le capital investi.
La Cour d’Appel de Bordeaux apporte une précision inédite et déterminante concernant l’appréciation du critère de « protection suffisante de l’épargne ». Il ne s’agirait donc pas d’une condition autonome, devant être cumulée l’inscription sur la liste des produits éligibles, mais au contraire d’une condition automatiquement remplie par l’inscription sur cette liste. Cette position apporte une forme de sécurité dans la construction des unités de comptes : les supports proposés doivent simplement être mentionnés sur la liste pour être éligible. Il n’est pas nécessaire de rechercher, en plus, si le support est suffisamment protecteur de l’épargne.
Source: Fidroit