Ce qu’il faut retenir
Une société qui consent à une autre un avantage financier, par exemple un abandon de créance, peut le déduire de son résultat fiscal sous conditions.
Les aides présentant un caractère commercial sont déductibles sous la seule condition que l’aide soit réalisée dans l’intérêt de la société qui l’accorde.
En revanche les aides présentant un caractère autre que commercial (aides financières notamment) ne sont déductibles que dans une certaine limite et, pour les exercices clos depuis le 4 juillet 2012, uniquement si elles sont consenties à une entreprise soumise à une procédure collective.
CGI. art. 39, 12.
Dans l’arrêt du 7 février 2018, le Conseil d’Etat précise que les aides consenties à une filiale par une société holding sont de nature commerciale :
- lorsque la holding fournit des services de courtage à sa filiale,
- et que l’essentiel de son chiffre d’affaires dépend de ces prestations de service.
CE 07 fev. 2018, n°398676
Conséquences pratiques
Le Conseil d’Etat répond ici pour la première fois à la question de savoir si des prestations de services fournis par une holding à ses filiales peuvent caractériser des relations commerciales entre elles.
En l’espèce le service en question était du courtage, dont le caractère d’activité commerciale est indiscutable.
BOI-BIC-CHAMP-10-10 § 10
Par ailleurs, le Conseil d’Etat prend soin de relever que les frais que versaient les filiales à cette occasion constituent l’essentiel du chiffre d’affaires de la holding : la défaillance des filiales auraient pu mettre l’activité de la holding elle-même en péril.
Pour aller plus loin
Contexte
Antérieurement à l’introduction de l’article 39, 12 du CGI, la société qui consentait un abandon de créance pouvait déduire son montant de son propre résultat :
- sans limitation de montant s’il s’agissait d’un abandon à caractère commercial,
- de manière plus limitée en cas d’abandon présentant un caractère financier.
Depuis la loi de finances rectificative pour 2012, l’article 39, 13 du CGI interdit la déduction des aides de toutes nature, à l’exception :
- des aides de nature commerciale,
- des aides consenties à des entreprises soumises à une procédure collective.
Les abandons de créance à caractère financier ne sont donc plus déductibles du résultat de la société qui les consent, sauf si l’entreprise qui en bénéficie est en redressement ou liquidation judiciaire.
L’arrêt du Conseil d’Etat, rendu pour l’application des règles antérieures à cette réforme, a donc une importance d’autant plus grande.
Faits et procédure
La SARL X., fournissait à ses filiales outre son activité de holding, des prestations de courtage. (Prestations de référencement et négociation des conditions tarifaires favorables avec les fournisseurs) moyennant de frais de courtage.
A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a réintégré au résultat de la holding les abandons de créance consentis par la holding à plusieurs de ses filiales, considérant ces abandons comme présentant un caractère financier.
La Cour administration d’appel de Lyon a validé la position de l’administration fiscale, au motif que la holding et ses filiales n’entretenaient pas de relations commerciales, ces abandons ne pouvaient donc qu’être de nature financière.
Le Conseil d’Etat a été saisi d’un pourvoi.
Arrêt
Le Conseil d’Etat estime, au contraire, que les prestations de courtage sont des opérations commerciales.
Il relève que la holding et ses filiales entretiennent bien des relations commerciales : le chiffre d’affaires de la holding résultait presque exclusivement des frais de courtage que lui versaient les filiales à ce titre. Ainsi, la défaillance des filiales aurait pu être un obstacle à la poursuite de l’activité de la holding.
Analyse
L’arrêt apporte une précision importante à la jurisprudence existante.
Les arrêts rendus jusqu’à présent admettaient la nature commerciale des relations entre une holding et ses filiales lorsque les filiales étaient :
- soit le fournisseur exclusif de la holding,
- soit commercialisaient les produits de la société-mère.
La jurisprudence portait uniquement sur ces cas où la holding avait dans ses rapports avec ses filiales une activité d’achat-revente.
Voir en ce sens CE 15/02/1984, n°35339 et CE 16/02/1983, n°37868
Dans l’arrêt du 7 février 2018, le Conseil d’Etat se prononce donc pour la première fois dans une hypothèse où les relations de la holding et des filiales sont composées de prestations de service rendues par la holding.
Les prestations de services fournies en l’espèce (du courtage) sont sans conteste une activité commerciale (BOI-BIC-CHAMP-10-10 § 10), et une éventuelle défaillance des filiales aurait mis en péril la poursuite de sa propre activité par la holding.
Attention :
On ne peut donc pas conclure de l’arrêt qu’en toute circonstance la fourniture de prestations de service par la holding caractérisent des relations commerciales avec ses filiales. Selon le rapporteur public, la solution pourrait être différente en présence de prestations de services purement administratives.
Source: Fidroit