Ce qu’il faut retenir
Les clauses d’agrément prévues dans les statuts d’une société peuvent permettre aux associés ou au gérant d’autoriser ou non l’entrée d’un nouvel associé.
L’agrément ne peut pas être refusé aux personnes désignées dans les statuts. La clause prévoyant un agrément de droit pour les héritiers et les ayants droit s’applique également au légataire à titre particulier. Seule une mention expresse pourrait soumettre ce légataire à titre particulier à la procédure d’agrément.
Cass.Com. 5 avril 2018,n°16-18.097
Le refus d’agrément ouvre une période de rachat par les autres associés ou la société. Pendant cette période, la cession ou la transmission est valable, mais elle est inopposable à la société et aux autres associés : des assemblées générales peuvent être tenues sans la présence du cessionnaire. En cas de rachat des parts non agrées le prix sera alors attribué au cédant.
À défaut de rachat dans le délai, le cessionnaire est réputé agréé et il obtient la qualité d’associé au terme de ce délai.
Cass. Com. 16 mai 2018, n°16-16.498 et Cass. Com. 3 mai 2018,n°15-20.851
Il est possible de prévoir dans les statuts l’attribution d’une voix prépondérante pour le gérant (ou des solutions voisines en matière de décision) lorsque deux associés disposent du même nombre de voix.
Cass. Com. 5 avril 2018, n°16-19.829
Conséquences pratiques
L’agrément des associés est une procédure de protection des associés présents dans la société afin notamment d’éviter la mésentente entre associés et la paralysie de la société.
Pour aller plus loin
Contexte
Les statuts d’une société peuvent prévoir une clause d’agrément en cas de cession (à titre onéreux) ou de transmission (à titre gratuit) de parts sociales ou actions. L’agrément permet de maintenir la répartition du capital telle qu’établie dans les statuts afin d’éviter des changements de majorité non souhaités. Les associés en place sont ainsi protégés et contrôlent l’éventuelle entrée de nouveaux associés dans la société. Dans trois arrêts du premier semestre 2018, la Cour de cassation est venue préciser les modalités d’appréciation des clauses d’agrément.
Faits et procédure
Dans deux arrêts la Cour de cassation est confrontée à une situation d’agrément suite à la transmission des parts sociales par décès. Dans un troisième arrêt, c’est l’agrément en cas de cession des parts sociales qui est visé. Enfin se posent les solutions possibles en cas de mésentente des associés notamment lorsque la clause d’agrément n’a pas permis d’éviter l’entrée au capital d’un associé récalcitrant.
La Cour a été interrogée sur :
- La portée de la mention « ayant droit » inscrite dans la clause d’agrément vis-à-vis d’un légataire. Cass.Com. 5 avril 2018,n°16-18.097
- La date d’acquisition de la qualité d’associé d’un héritier réputé agréé. Com., Cass. Com. 3 mai 2018,n°15-20.851
- La sanction du défaut d’agrément. Com., Cass. Com. 16 mai 2018, n°16-16.498
- Une solution en cas de mésentente des associés. Cass. Com. 5 avril 2018, n°16-19.829
Arrêts et analyse
La procédure d’agrément des associés est bien connue en droit des sociétés. Mais il est utile de revenir sur les différents sujets ayant été traités par la chambre commerciale de la Cour de cassation.
La qualité pour être exonéré de procédure d’agrément
Lors de la rédaction de la clause d’agrément, il faut avoir en tête tout autant la liberté permise par le droit des contrats que le pouvoir d’interprétation du juge. Aussi, plus le rédacteur emploi des termes clairs et non ambigus plus il restreint ce pouvoir d’interprétation de la volonté des parties par le juge. Le débat sur l’emploi de la notion d’« ayant droit » est donc arrivé jusqu’aux juges du droit (Cass.Com. 5 avril 2018,n°16-18.097). La mention « ayant droit » inscrite dans une clause d’agrément doit s’entendre comme l’ensemble des personnes recevant un droit de la part de son titulaire initial. La notion d’ayant droits regroupe à défaut de précisions légataires à titre particulier.
Les conséquences du refus d’agrément
En cas de refus d’agrément, l’article 1863 du Code civil ouvre un délai de rachat des parts ou actions de 6 mois à compter du refus d’agrément (ce délai peut être aménagé par les statuts et prévoir entre 1 mois et 1 an). Au terme de ce délai, l’agrément est réputé acquis. Dans cet intervalle, le refus d’agrément rend la cession ou la transmission inopposable à la société ou aux associés. Aucune action en restitution du prix ou indemnisation n’est possible par le cessionnaire. La qualité d’associé ne sera acquise par ce dernier qu’à compter du terme du délai de rachat et à défaut de rachat.
Ainsi, la Cour (Cass. Com. 3 mai 2018,n°15-20.851) a décidé qu’un héritier, qui est réputé agréé à l’expiration du délai de rachat par la société ou les associés en cas de refus d’agrément, n’acquiert la qualité d’associé qu’à compter de ce moment. Il ne peut alors pas invoquer cette qualité pour une assemblée générale intervenue entre le refus d’agrément et l’expiration du délai.
Ensuite, le défaut d’agrément ne permet pas d’obtenir la nullité de la cession de parts sociale qui est seulement inopposable aux associés et à la société (Cass. Com. 16 mai 2018, n°16-16.498). Cette inopposabilité n’est que temporaire si la société ne parvient pas à racheter les parts dont l’agrément est refusé. En revanche, elle a pour conséquence d’une part que la qualité d’associé ne sera acquise qu’au terme du délai, à défaut de rachat. Si un rachat à lieu dans le délai, le prix d’achat sera alors payé au cédant et non au cessionnaire. Le contrat de vente doit prévoir la possibilité du refus d’agrément par une condition suspensive.
Prévoir des solutions en cas de mésentente des associés
L’agrément offre le choix aux associés fondateurs de décider de leurs nouveaux associés. Si ce mécanisme permet d’éviter les situations de mésentente entre associés, il est possible qu’un associé intègre la société par la voie de l’agrément réputé acquis à défaut de rachat. Il est donc indispensable au-delà de la clause d’agrément d’envisager dans les statuts les différentes situations de blocage qui peuvent être rencontrées en présence d’associés non désirés et leurs solutions. En effet, la paralysie du fonctionnement de la société entraîne sa dissolution. Or la mésentente des associés peut entraîner une paralysie. L’une des solutions permises par la Cour est la clause donnant au gérant une voix prépondérante lorsqu’une décision est partagée (Cass. Com. 5 avril 2018, n°16-19.829).
Source: Fidroit