Ce qu’il faut retenir
La dation en paiement permet à un débiteur de payer en nature une dette à son créancier. Cette technique peut être utilisée entre particuliers, notamment dans un contexte successoral. Lors d’un partage, elle permet ainsi à un héritier de régler une soulte pour indemniser un autre héritier ayant reçu des biens d’une valeur inférieure.
Mais cette opération emporte les conséquences fiscales d’une cession, lorsque la dation en paiement porte sur des titres bénéficiant d’un régime de sursis ou de report d’imposition en cours.
Par une décision du 4 décembre 2017, le Conseil d’Etat a en effet jugé que le règlement d’une soulte par une dation en paiement de titres entraîne l’imposition immédiate de la plus-value en report ou en sursis sur ces mêmes titres.
Conséquences pratiques
Il convient d’être vigilant lorsque des titres placés sous le régime du sursis ou du report d’imposition ont vocation à être cédés ou remis à titre de dation en paiement dans le cadre d’un partage successoral.
Le transfert de propriété des titres à l’héritier entraînera ainsi la déchéance des reports et sursis d’imposition et, par conséquent, la taxation des plus-values correspondantes auprès du débiteur.
Pour aller plus loin
Contexte
L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 4 décembre 2017 concerne la dation de paiement de titres faisant l’objet de reports et sursis d’imposition de la plus-value.
Dation en paiement
La dation en paiement permet à un créancier de recevoir en paiement de sa créance la pleine propriété d’un bien appartenant à son débiteur.
Cette pratique, pouvant être utilisée en matière civile comme en matière fiscale, figure dorénavant au second alinéa du nouvel article 1342-4 du Code civil, selon lequel le créancier « peut accepter de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû ».
Lorsque la dation en paiement s’inscrit dans un cadre successoral, elle permet au débiteur d’une soulte de remettre des biens à son cohéritier en règlement de celle-ci, à la place d’une somme d’argent.
Fiscalement, la dation en paiement est soumise aux droits de mutation à titre onéreux (BOI-ENR-DMTOI-10-10-30-50-20130624 § 40 à 70).
Différés d’imposition
L’apport de titres à une société entraîne la constatation des plus-values latentes.
Selon la date de réalisation de l’opération et le fait que l’apporteur contrôle ou non la société holding bénéficiaire de l’apport, les plus-values sont placées en sursis automatique, en report automatique ou en report d’imposition sur option.
Dans tous les cas, la cession à titre onéreux des titres reçus en rémunération de l’apport met fin au report d’imposition et entraîne la déchéance du sursis (CGI, art. 150-0 B, art. 150-0 B ter et ancien art. 92 B, II).
Dans cette hypothèse, les plus-values constatées à l’occasion de cette cession deviennent taxables, selon des modalités différentes, en fonction de la date de l’apport : il convient d’appliquer soit les règles de taxation applicables au moment de l’apport, soit celles applicables l’année d’expiration du différé d’imposition.
Le Conseil d’Etat a ainsi jugé qu’une dation en paiement de titres en règlement d’une soulte successorale constituait une cession à titre onéreux entraînant la taxation immédiate des plus-values « différées ».
Faits et procédure
Une personne reçoit par donation de son père en 1985 des titres de société qu’elle apporte en 1993, 1996 et 2005 à une société par actions simplifiée (SAS).
Les apports réalisés en 1993 et 1996 font l’objet d’un report d’imposition de la plus-value correspondante tandis que l’apport réalisé en 2005 bénéficie d’un sursis d’imposition de la plus-value.
Le donateur décède en 2003, laissant pour lui succéder la donataire des titres de société et une seconde fille.
Les deux héritières procèdent au partage successoral en 2005, aux termes duquel la donataire se trouve redevable d’une soulte de 6 716 758 euros. Elle règle cette soulte à sa sœur pour partie par une dation en paiement de titres qu’elle détenait par suite de l’apport des titres reçus par donation de son père.
L’administration fiscale considère que cette dation en paiement correspond à une cession mettant fin aux reports et sursis d’imposition dont la donataire avait bénéficié sur les plus-values auxquelles avait donné lieu l’apport des titres. En conséquence, elle impose les gains correspondants à l’impôt sur le revenu et aux contributions sociales et exige des intérêts de retard et pénalités.
L’héritière concernée saisit le tribunal administratif, après avoir présenté deux réclamations rejetées par l’administration fiscale.
Le tribunal fait droit à sa demande mais la Cour administrative d’appel annule cette décision et remet à sa charge les impositions objet du litige.
La donataire se pourvoit alors en cassation.
Arrêt
Le Conseil d’Etat rejette le pourvoi en considérant que le règlement d’une soulte par une dation en paiement de titres doit être regardé comme effectué à titre onéreux, au sens et pour l’application des règles fiscales, alors même que les titres ayant fait l’objet de l’apport provenaient d’une donation entre vifs à son profit.
Analyse
Cette décision a été rendue concernant un litige d’ordre fiscal.
Pour retenir l’exigibilité de la plus-value faisant l’objet des reports et sursis d’imposition, le Conseil d’Etat constate que la dation en paiement des titres entraînait un transfert de propriété de ceux-ci.
Il en conclut ainsi que cette opération implique une cession à titre onéreux, ayant pour conséquence la taxation des plus-values constatées lors du partage successoral.
Source : Fidroit