Le statut juridique de l’entrepreneur individuel, c’est-à-dire dire de celui qui exerce son activité professionnelle en nom propre et non pas sous la forme d’une société, a fait l’objet d’une évolution majeure. En effet, une loi de février 2022 a créé un nouveau statut, unique et plus protecteur, pour les entrepreneurs individuels. Explications.
La séparation des patrimoines personnel et professionnel
Jusqu’alors, les entrepreneurs individuels, qu’ils soient commerçants, artisans, professionnels libéraux ou agriculteurs, disposaient d’un seul patrimoine. Conséquence, en cas de difficultés économiques, leurs biens personnels — hormis leur résidence principale qui est insaisissable de plein droit — étaient exposés aux poursuites de leurs créanciers professionnels.
Désormais, ils sont dotés de deux patrimoines, un professionnel et un personnel, le premier étant constitué des biens « utiles » à l’activité (fonds de commerce, artisanal ou agricole, marchandises, matériel et outillage, brevets d’invention, licences, marques, biens immobiliers…) et le second de tous les autres biens. Sachant que seul le patrimoine professionnel de l’entrepreneur peut être saisi par ses créanciers professionnels, son patrimoine personnel (résidence, actifs mobiliers, voiture…) étant, quant à lui, à l’abri des poursuites de ces derniers. En pratique, cette séparation des patrimoines s’opère automatiquement, sans formalité administrative à accomplir, ni information à donner aux créanciers.
Les exceptions au principe
Deux exceptions au principe de la séparation des patrimoines sont prévues. D’une part, le recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux (CSG et CRDS) dus par un entrepreneur individuel pourra s’effectuer tant sur son patrimoine professionnel que personnel. D’autre part, l’entrepreneur individuel pourra renoncer au bénéfice de cette séparation en faveur d’un créancier professionnel, en particulier d’un banquier, pour obtenir un crédit. Mais cette renonciation ne pourra porter que sur un engagement spécifique limité dans le temps et à un montant défini par le créancier.
en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservations graves et répétées de ses obligations fiscales et sociales, l’administration fiscale et les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales pourront poursuivre l’entrepreneur sur son patrimoine personnel et non pas seulement sur son patrimoine professionnel.
Ce nouveau statut s’applique depuis le 15 mai 2022. Les entreprises individuelles créées depuis cette date y sont donc pleinement soumises. Pour celles qui existaient déjà au 15 mai 2022, la séparation des patrimoines professionnel et personnel ne s’applique qu’aux créances nouvelles nées à compter de cette date.
La disparition du statut d’EIRL
L’instauration du statut unique d’entrepreneur individuel a entraîné la disparition progressive du statut d’EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée). Ainsi, depuis le 16 février 2022, il est devenu impossible pour un entrepreneur individuel de choisir ce régime. Et depuis le 15 août 2022, les héritiers d’un EIRL décédé ne peuvent plus poursuivre l’activité professionnelle de ce dernier en reprenant le patrimoine qu’il avait affecté à cette activité. En revanche, le régime de l’EIRL continue à s’appliquer pour les entrepreneurs qui exerçaient leur activité sous ce statut à la date du 15 février 2022.
La transmission du patrimoine professionnel
Un dispositif est prévu pour permettre la transmission du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel. Ainsi, lorsqu’un entrepreneur individuel souhaitera céder son activité à une autre personne (un successeur) ou à une société, il pourra lui transférer l’intégralité de son patrimoine professionnel, que ce soit par donation, vente ou apport en société, et ce sans avoir besoin de procéder à la liquidation de ce patrimoine. Ce transfert universel de patrimoine devra faire l’objet d’une publicité de façon à en informer les créanciers de l’entrepreneur individuel. Ces derniers pourront alors s’opposer au transfert.
Le transfert du patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel ne sera opposable aux tiers (en particulier aux créanciers) qu’à compter de cette publicité. En pratique, cette publicité devra prendre la forme d’un avis publié par l’entrepreneur individuel au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) au plus tard un mois après la réalisation du transfert. Cet avis devra indiquer notamment les nom et adresses des parties (l’entrepreneur individuel et le donataire, l’acheteur ou la société bénéficiaire de l’apport) et l’activité professionnelle exercée. Il devra être accompagné d’un état descriptif du patrimoine ainsi transféré tel qu’il résulte du dernier exercice comptable clos actualisé à la date du transfert.
Source : Les Echos Publishing 2023 – Crédit photo : lchumpitaz