Attention à ne pas trop limiter l’objet social… sous peine de la dissolution de la société malgré la poursuite d’une autre activité !
Ce qu’il faut retenir
Lorsque l’objet social est déterminé de façon restrictive et exclusive, sa réalisation ou son extinction engendre de plein droit la dissolution de la société.
La mention généralement ajoutée pour étendre l’activité de la société, à savoir « Et plus généralement, toutes opérations, de quelque nature qu’elles soient, juridiques, économiques et financières, civiles et commerciales, se rattachant à l’objet sus-indiqué », ne permet pas de rattacher à l’objet social une autre activité que celle qui était prévue de manière exclusive dans les statuts.
Conséquences pratiques
La détermination d’un objet social restrictif et exclusif fait encourir le risque d’une dissolution de plein droit dès lors que l’activité prévue ne pourra plus être réalisée.
Le conseil FIDROIT
La rédaction des statuts doit être adaptée selon que la volonté des associés soit de limiter l’objet social à l’exploitation d’un bien déterminé ou de l’étendre à l’exploitation de plusieurs biens.
Par exemple, si les associés souhaitent limiter l’activité de la société à un seul bien et dissoudre la société suite à sa cession, ils devront prévoir que l’objet social sera « l’acquisition, l’administration, la gestion et l’exploitation de tel bien situé à tel endroit, à l’exclusion de tout autre ».
Si au contraire, ils souhaitent que la société subsiste malgré la cessation de son activité initiale, ils pourront prévoir que l’objet social sera « l’acquisition, l’administration, la gestion et l’exploitation de tous biens, et notamment de tel bien situé à tel endroit ».
Pour aller plus loin
Contexte
En l’absence de définition légale, on considère que l’objet de la société ou « objet social » exprime le but de la société, c’est-à-dire l’ensemble des activités en vue desquelles elle a été créée.
L’objet social est déterminé par sa description faite dans les statuts de la société (C. civ. art. 1835). Sous réserve de respecter certaines règles sur la formulation et les caractéristiques de l’objet social, les fondateurs sont libres de définir comme ils l’entendent le champ d’activité de l’objet social.
La détermination de l’objet doit être suffisamment explicite ; une formule vague visant « toute opération de nature civile », sans autre précision, serait insuffisante. Une détermination plus précise permet par ailleurs aux associés responsables des dettes sociales, de limiter les engagements que le gérant pourra prendre au nom de la société puisque ces actes doivent être conformes à l’objet social.
Néanmoins, il est souhaitable de ne pas enfermer la société, dès sa naissance, dans une activité trop rigoureusement déterminée afin de pouvoir étendre son activité en cas de nécessité. Ainsi, les associés étendent généralement l’objet social à « la réalisation de toutes opérations se rattachant directement ou indirectement à cette activité ».
La détermination de l’objet social présente également une importance pour la pérennité de la société. Le code civil prévoit en effet que la société est dissoute en cas de réalisation ou d’extinction de son objet (C. civ. art. 1844-7, 2°).
L’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 30 mars 2016, n°14-13729 a trait précisément à la dissolution d’une société à la suite de l’extinction de son objet social.
Faits et procédure
La société G et A distribution, constituée entre M. M…, Mme Solange D…, Paulette X…et la société Profidis, était propriétaire et exploitante d’un fonds de commerce de supermarché et locataire-gérant d’un fonds de commerce de station-service de carburant dépendant du même ensemble immobilier ;
L’objet social de la société G & A distribution était défini comme suit : « l’acquisition et l’exploitation d’un fonds de commerce de vente de type supermarché à Septueil (78790), 10 place de la Mairie, à l’enseigne « Shopi » à l’exclusion de tout autre. Et plus généralement, toutes opérations, de quelque nature qu’elles soient, juridiques, économiques et financières, civiles et commerciales, se rattachant à l’objet sus-indiqué » ;
Le bailleur des locaux dans lesquels le fonds de commerce de supermarché était exploité ayant délivré un congé avec refus de renouvellement, l’exploitation a cessé le 30 mars 2009 ;
La société Profidis a assigné la société G et A distribution ainsi que ses associés afin d’obtenir la dissolution de cette dernière en se prévalant de la cessation de l’exploitation et de l’extinction de l’objet social ;
La Cour d’Appel de Versailles, recevant la demande de la société Profidis, et a prononcé la dissolution de la société G et A distribution et désigné un liquidateur amiable.
Les défendeurs se pourvoient alors en cassation contre l’arrêt rendu en date du 17 décembre 2013 par la Cour d’Appel de Versailles.
Arrêt
Relevant que l’objet social statutaire de la société « G et A distribution » était exclusivement cantonné à l’exploitation d’un fonds de commerce alimentaire déterminé et que la cessation définitive de son exploitation depuis le 30 mars 2009 avait pour conséquence l’extinction de son objet social, la Cour de Cassation rejette le pourvoi.
Analyse
En principe, il y a extinction de l’objet lorsque l’activité pour laquelle la société a été constituée est devenue impossible.
Il a ainsi été jugé que la radiation de l’Ordre des experts-comptables d’une société dont l’objet social était la réalisation de travaux relevant de cette profession engendre l’extinction de l’objet social, et ce même si cette société exerçait encore une activité de conseil (Cass. Com. 3 mai 1995 n° 822).
Cependant, la dissolution n’est acquise que si l’objet a disparu dans sa totalité. Si l’extinction n’est que partielle (possibilité d’exercer des activités autres que celle ayant disparu), la société subsiste.
Ainsi, dans un arrêt en date du 07 octobre 2008, la Cour de cassation a jugé que la cession des titres qui constituant l’unique actif d’une société dont l’objet est « l’acquisition, la gestion et l’administration de titres de sociétés » n’avait pas eu pour conséquence de dissoudre la société par extinction de son objet car l’objet statutaire était large et lui permettait d’acquérir d’autres titres.
De même, la vente des seuls biens immobiliers dépendant du patrimoine social d’une société civile immobilière, dont l’objet statutaire était l’acquisition, l’administration, la gestion et l’exploitation de tous immeubles bâtis ou non bâtis, n’a pas pour conséquence l’extinction de l’objet social et n’implique pas la dissolution de la société (CA Paris 6 janvier 2009).
Dans l’affaire analysée, l’objet social était exclusivement cantonné à l’exploitation d’un fonds de commerce alimentaire précisément localisé puisqu’il indiqué « à l’exclusion de tout autre » fonds de commerce. La mention complémentaire « et plus généralement, toutes opérations, de quelque nature qu’elles soient, juridiques, économiques et financières, civiles et commerciales, se rattachant à l’objet sus-indiqué » n’est pas suffisante dans le cas présent pour pouvoir y rattacher l’exploitation d’un autre fonds (en l’occurrence une station-service).
Source : Fidroit