Une clause pénale testamentaire interdisant aux héritiers de demander le partage judiciaire des biens porte une atteinte excessive au droit absolu de tout indivisaire de demander le partage et doit être réputée non écrite.
Ce qu’il faut retenir
Dans un premier temps, la jurisprudence faisait droit aux diverses clauses pénales testamentaires dans la mesure où elles constituaient les dernières volontés du défunt.
L’arrêt de la Première chambre de la Cour de cassation en date du 13 avril 2016 reprend cette notion d’atteinte excessive et précise qu’une clause pénale ne peut porter une atteinte excessive au droit absolu, reconnu à tout indivisaire, de demander le partage.
La clause interdisant, en raison de ses conséquences préjudiciables, la cessation de l’indivision en cas de refus d’un indivisaire de procéder à un partage amiable ou en l’absence d’accord sur les modalités de celui-ci (l’indivision persistant depuis plus de vingt ans en dépit des partages partiels intervenus) était de nature à porter une atteinte excessive au droit de l’indivisaire de sortir de l’indivision conformément à l’article 815 du Code civil.
Conséquences pratiques
S’il ne faut pas exclure le recours aux clauses pénales emportant des conséquences préjudiciables pour celui qui intente une action en justice à l’encontre de la volonté du testateur, on veillera à maintenir une certaine proportionnalité, et éviter toute atteinte excessive, entre les intérêts défendus par la clause pénale et les droits des héritiers qui pourraient être lésés par la clause litigieuse.
En l’état de la jurisprudence, on peut retenir que l’application d’une clause pénale sera écartée si elle porte atteinte au droit supérieur des héritiers :
- le droit de demander la revalorisation d’une soulte en application de l’article 1075-4 du Code civil,
- le droit d’obtenir réparation en cas d’éviction,
- le droit d’agir en justice
- et désormais le droit de tout indivisaire de demander le partage.
Pour aller plus loin
Contexte
Les clauses pénales sont souvent utilisées afin de limiter les abus judiciaires des héritiers qui s’estimeraient lésés au titre de la succession. Elles ont communément comme objet de sanctionner financièrement, ceux qui entendraient remettre en cause la volonté de répartition voulue par le testateur en les privant de leur part de quotité disponible.
Depuis un arrêt du 16 décembre 2015 de la Cour de cassation, il est acquis qu’une clause peut être sanctionnée si elle constitue une atteinte excessive au droit d’agir en justice des copartagés.
La Premier Chambre civile de la Cour de la cassation précise dans un arrêt du 13 avril 2016 qu’une telle clause ne pouvait, de même, porter une atteinte excessive au droit de tout indivisaire de demander le partage.
Faits et procédure
Madame X décède le 17 décembre 1993 en laissant deux fils, Monsieur A. et Monsieur B. ainsi qu’un testament olographe par lequel elle précise que : « Le partage de mes biens devra avoir lieu à l’amiable. Tout recours au tribunal aura pour effet de réduire la part du demandeur ayant saisi le tribunal à la seule réserve sur les biens de ma succession qui lui est reconnue par la loi ».
Une partie des biens de la succession ont fait l’objet de partages amiables. En 2010, Monsieur B. assigne son frère en partage d’immeubles demeurés indivis.
La Cour d’appel rejette la demande de Monsieur A. et a déclaré recevable l’action de Monsieur B. aux fins de partage en relevant que la clause litigieuse est de nature à interdire, en raison de des conséquences préjudiciables, la cessation de l’indivision en cas de refus d’un indivisaire de procéder un partage amiable ou en l’absence d’accord sur les modalités de celui-ci.
Arrêt
Par un arrêt en date du 13 avril 2016, la Cour de cassation confirme l’arrêt de la Cour d’appel et la demande aux fins de partage.
La Cour de cassation a jugé que la Cour d’appel a très exactement relevé que « la clause litigieuse est de nature à interdire, en raison de ses conséquences préjudiciables, la cessation de l’indivision en cas de refus d’un indivisaire de procéder à un partage amiable ou en l’absence d’accord sur les modalités de celui-ci ; qu’après avoir constaté qu’en dépit des partages partiels intervenus, les immeubles étaient indivis depuis plus de vingt ans, la cour d’appel a pu décider que cette clause, qui avait pour effet de porter une atteinte excessive au droit absolu, reconnu à tout indivisaire, de demander le partage, devait être réputée non écrite ».
Analyse
Cette notion d’atteinte excessive déjà mentionnée dans l’arrêt du 16 décembre 2015 n’a malheureusement pas été précisée par ce nouvel arrêt.
Néanmoins, cette atteinte semble moins porter sur les conséquences financières que sur les intérêts supérieurs des héritiers et l’application de la clause pénale a été écartée dans plusieurs autres situations :
- le copartagé qui se prévaut de l’article 815 du Code Civil afin de demander le retrait de l’indivision (Cass. Civ. 1 13 avril 2016) ;
- le copartagé qui agit sur le fondement supérieur de son droit à un procès équitable garanti par l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
- le copartagé qui se prévaut de l’article 1075-4 du Code civil pour obtenir la revalorisation d’une soulte (CA Nancy 10 déc. 1987) ;
- le copartagé qui agit en garantie d’éviction (CA Paris 6 janv. 1987). Il ne critique pas le partage, il en réclame la bonne exécution.
Au contraire, la clause pénale est efficace et permet de se prémunir contre :
- une demande de réduction pour atteinte à la réserve, formée à la légère (Cass. civ. 1 25 juin 2002) ;
- une demande en nullité d’une donation-partage conjonctive faite, sans les distinctions nécessaires, entre enfants de lits différents ;
- une action en révocation pour ingratitude.
Source : Fidroit