Ce qu’il faut retenir
La différence entre la valeur réelle d’une action à la date de la levée des options et le prix de souscription ou d’achat de ces actions constitue un complément de salaire et non un gain en capital.
En présence d’une convention fiscale rédigée sur le modèle de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), les gains d’attribution (ou gain de levée d’option) sont imposables dans l’Etat sur le territoire duquel le contribuable a exercé l’activité récompensée par les options, sous réserve que la rémunération perçue au titre de cette activité y soit imposable.
A ce titre, le Conseil d’Etat indique que la période d’activité à prendre en compte est celle qui s’étend de la date de l’attribution à « la date à compter de laquelle le bénéficiaire est en droit de quitter l’entreprise sans perdre le bénéfice des options ».
Cette période est appelée « période de référence », « période d’acquisition des droits » ou « Vesting ».
Elle se distingue de la période de blocage, éventuellement plus longue, au cours de laquelle l’option ne peut être exercée.
BOI-RSA-ES-20-10-20-60
Commentaires sur l’article 15 du modèle de convention OCDE
Conséquences pratiques
Lorsque le bénéficiaire de stock-options change de résidence fiscale au cours de la période d’indisponibilité ou de blocage, le gain de levée sera en principe imposable dans l’Etat sur le territoire duquel il exerçait son activité pendant la période de référence.
La période d’indisponibilité ou de blocage restant à courir après le transfert de résidence fiscale est indifférente.
Cette analyse est en principe transposable aux gains d’acquisition d’actions gratuites et aux gains d’exercice des bons de souscription de parts de créateurs d’entreprises (BSPCE).
Exemple
Un résident de France reçoit des options qu’il ne pourra lever qu’au terme d’un délai d’indisponibilité de 3 ans. Le bénéfice des options sera définitivement acquis à la condition que le salarié exerce son activité dans l’entreprise qui lui attribue les options pendant une durée minimale de 2 ans à compter de ladite attribution.
Deux ans après l’attribution des options, le salarié quitte l’entreprise et part travailler à l’étranger dans une société du même groupe (Etat ayant conclu avec la France une convention de type OCDE). Il reste alors un an à courir avant le terme de la période d’indisponibilité. Pour autant, le salarié a respecté la condition de présence dans l’entreprise de deux ans. L’acquisition des options est donc définitive.
Dans cet exemple, en cas de levée d’option ultérieure, le gain d’attribution des options sera entièrement imposable en France. Aucune répartition du revenu entre la France et l’Etat dans lequel le salarié exerçait son activité ne doit être faite.
Pour aller plus loin
Contexte
Principe des stock-options
Le mécanisme des stock-options consiste à offrir aux salariés et dirigeants, en plus de leur salaire ou rémunération, la possibilité d’acquérir des actions de leur société à des conditions avantageuses. L’objectif est d’associer ces personnes au capital et aux résultats de l’entreprise.
Le bénéficiaire peut, pendant une période limitée et à un prix déterminé à l’avance, soit acheter des actions de la société, soit souscrire à une augmentation de capital.
L’intérêt à lever l’option existe lorsque le cours de bourse ou la valeur réelle de l’action devient supérieure au prix d’acquisition ou de souscription proposé.
Ainsi, les salariés ou dirigeants ont ou intérêt à multiplier leurs efforts pour faire évoluer à la hausse la valeur du titre de la société.
Gain de levée d’option et gain de cession
Le gain de levée d’option ou plus-value d’acquisition, correspondant à la différence entre le cours de l’action à la date de la levée d’option et le prix payé par le bénéficiaire, est assimilé à un complément de rémunération imposable dans la catégorie des traitements et salaires (CGI. art. 80 bis I).
Pour les actions attribuées depuis le 28 septembre 2012 (loi de finances pour 2013), les règles d’imposition à l’impôt sur le revenu sont quasiment identiques que le plan d’attribution soit ou non « qualifié » au sens du Code de commerce (sauf compensation avec la moins-value de cession en présence d’un plan qualifié). La qualification du plan n’est en revanche pas neutre en matière de cotisations sociales.
Le gain de cession, qui correspond à la différence entre le prix de cession des actions et la valeur réelle du titre au moment de son acquisition, est quant à lui un gain en capital imposé selon les règles plus-values de cession de titres et valeur mobilières.
Gain d’acquisition et mobilité internationale
Etats ayant conclu avec la France une convention
Dans un contexte de mobilité internationale et de développement des mécanismes d’actionnariat salarié, la question de la qualification du gain d’acquisition devait être posée notamment pour l’application des conventions internationales qui ne font pas expressément référence à ce type de revenu.
Les commentaires de l’article 15 du modèle de convention OCDE précisent à ce titre que tout avantage résultant de la levée, de la vente, ou de l’aliénation d’option d’achat à des conditions préférentielles consenties en contrepartie d’une activité salariée ont la nature d’un complément de rémunération.
Cette analyse est transposable aux gains de levée d’options des dirigeants et mandataires sociaux si ces gains correspondent à la rémunération de leur fonction, sous réserve des règles particulières prévues pour les rémunérations des membres du conseil d’administration ou de surveillance (article 16 du modèle OCDE).
Cette interprétation, qui apparaît pour l’administration comme conforme au droit français (BOI-RSA-ES-20-10-20-60 § 1) conduit à répartir l’imposition de ces gains entre les Etats au prorata des périodes d’activité salariée exercées dans chacun d’eux.
Pour répartir l’imposition du gain lié à l’attribution de stock-option, il est nécessaire :
- D’abord d’identifier la période d’activité en contrepartie de laquelle les options ont été consenties ;
- Ensuite d’identifier les Etats sur le territoire desquels a été exercée cette activité.
Ces règles sont pour la plupart transposables aux gains d’acquisition actions gratuites et gains d’exercice de BSPCE.
Identification de la période de référence
Pour l’administration (BOI-RSA-ES-20-10-20-60 § 30 et s.), « l’activité justifiant l’attribution des options est celle qui est exercée entre la date à laquelle les options sont attribuées et la date à laquelle le bénéficiaire devient propriétaire des options, c’est-à-dire à la date à laquelle le bénéficiaire acquiert définitivement le droit d’exercer l’option (même si l’option n’a pas encore été levée) ».
Cette période est appelée « période de référence », « vesting » ou pour les conventions OCDE « période d’acquisition des droits ».
« Elle court de l’attribution de l’option au jour où le bénéficiaire acquiert définitivement le droit d’exercer l’option, même si le plan prévoit qu’il perd ce droit dans certaines hypothèses (« caducité de l’option »), ou à l’inverse qu’il ne peut l’exercer immédiatement (« période de blocage ») ».
Lorsque les plans d’attribution prévoient des conditions nécessaires pour bénéficier des options (durée d’exercice de l’activité, présence dans l’entreprise au jour de la levée de l’option, etc.), la période de référence court de l’attribution jusqu’à la réalisation de la condition (BOI-RSA-ES-20-10-20-60 § 70 et 80).
Dans le cas où aucune condition n’est prévue, cette « période de référence » correspond alors au jour d’attribution de l’option.
Dans un cas comme dans l’autre l’existence d’une période de blocage, comme la date réelle de levée des options sont indifférentes.
La période de référence telle qu’appréciée par l’administration diffère de la solution retenue dans les commentaires du modèle de convention OCDE qui proposent de retenir une période allant jusqu’à la levée ou d’exercice des options.
Modalités de répartition de l’imposition du gain de levée d’option
Le complément de salaire que constitue le gain de levée est en principe imposable dans l’Etat sur le territoire duquel a été exercée l’activité salariée pendant la période de référence définie ci-dessus, à la condition que la rémunération y soit imposable en application de la convention.
A défaut, le gain est imposable dans l’Etat auquel est attribué le droit d’imposer la rémunération au titre de la période considérée.
Si cette activité a été exercée sur le territoire de deux Etats (par exemple en cas de mutation interne à l’entreprise), l’imposition du gain de levée d’option est répartie entre les Etats « au prorata du nombre de jours pendant lesquels les services auxquels se rapportent les options ont été fournis dans chacun d’eux » (BOI-RSA-ES-20-10-20-60 § 200).
De la même manière, cette répartition suppose que la rémunération soit imposable dans l’Etat sur le territoire duquel l’activité salariée est exercée. Si ce n’est pas le cas (la rémunération étant imposable dans l’autre Etat. Ceci peut être le cas en présence de missions temporaires ou de travailleurs frontaliers), il convient de prendre en compte cette période d’activité, comme si elle avait été exercée dans l’Etat auquel est attribué le droit d’imposer la rémunération correspondante.
Absence de convention fiscale
Lorsque le bénéficiaire des options est résident fiscal français au moment du fait générateur de l’impôt, à savoir au jour de la cession des actions, celui-ci sera imposé en France selon les modalités de droit interne quel que soit l’Etat sur le territoire duquel a été exercée l’activité à laquelle se rapportent les options.
En effet, en application de l’article 4 A al. 1 du CGI, « les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus ».
A l’inverse, lorsque le bénéficiaire des options est non-résident au moment de la cession des actions, le gain de levée d’option est imposable en France s’il correspond à la contrepartie d’une activité salariée exercée auparavant en France. Il s’agit en effet d’un revenu de source française au sens du droit interne.
Décision CE, 18 octobre 2017 n°408763
Faits et procédure
Un résident de France reçoit en 2001 et 2003 des options qu’il ne pourra lever qu’au terme d’un délai d’indisponibilité de 3 ans. Le bénéfice des options sera définitivement acquis à la condition que le salarié exerce son activité dans l’entreprise qui lui attribue les options pendant une durée minimale de 2 ans à compter de ladite attribution.
En 2006, le salarié quitte l’entreprise et part travailler au Royaume-Uni, Etat dont il acquiert la résidence fiscale. La période d’indisponibilité n’est alors pas totalement achevée.
En 2008, le salarié lève les options et revend immédiatement les actions acquises.
N’ayant pas déclaré en France ses gains de levée d’option au titre de l’année 2008, l’administration a assujetti le contribuable à une cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu ainsi qu’à des pénalités.
Par un jugement du 10 juillet 2015, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande tendant à la décharge de cette imposition supplémentaire.
Par un arrêt du 26 janvier 2017, la cour administrative d’appel de Versailles a réduit l’imposition en litige car elle considère que la période de référence à prendre en compte pour la répartition du droit d’imposer s’étend pendant toute la période d’indisponibilité des options. Une partie du gain devait donc être imposé au Royaume-Uni.
Le Ministre de l’Economie et des Finances demande l’annulation de cet arrêt devant le Conseil d’Etat.
Arrêt
Le Conseil d’Etat rappelle les principes applicables pour la répartition du droit d’imposer en présence de stock-options, à la lumière de la convention Franco-britannique.
A ce titre il est précisé que « le gain de levée d’option perçu par un résident fiscal britannique n’est imposable en France que pour autant que l’activité que rémunère l’attribution d’options de souscription ou d’achat d’actions a été exercée sur le territoire français ».
« Lorsque le règlement du plan d’options arrêté par l’entreprise ou le cas échéant la lettre d’attribution des options adressée au bénéficiaire soumet l’exercice de ces options à une ou plusieurs conditions, l’activité rémunérée par l’attribution de ces options est, en principe, dès lors qu’est en général prévue une condition de présence du bénéficiaire dans l’entreprise à la date à laquelle il lève l’option, celle qui a été exercée entre la date de cette attribution et la date à compter de laquelle le bénéficiaire est en droit de lever ces options ».
« Dans le cas particulier où le règlement du plan d’options ou la lettre d’attribution des options permet que le bénéficiaire ait quitté l’entreprise à la date à laquelle il est en droit de lever les options, tout en exigeant de sa part une durée minimale de présence dans l’entreprise à compter de la date d’attribution des options, faute de quoi celles-ci deviennent caduques, l’activité rémunérée par l’attribution des options est alors celle qui a été exercée entre la date de cette attribution et la date à compter de laquelle le bénéficiaire est en droit de quitter l’entreprise sans perdre le bénéfice des options ».
Au cas d’espèce, le règlement du plan d’options de souscription de la société ayant employé le contribuable prévoyait une période d’indisponibilité de trois ans au terme de laquelle les options pouvaient être exercées, à condition de pouvoir justifier d’une présence de deux ans dans l’entreprise à compter de l’attribution des options.
En cas de départ après les deux ans du délai de présence, l’ancien salarié pouvait exercer ses options au terme de la période d’indisponibilité. En cas de départ avant le terme de ces deux ans, les options devenaient caduques.
Compte tenu de ces conditions, le salarié attributaire des options pouvait quitter le groupe au terme d’un délai de deux ans à compter de leur attribution sans en perdre le bénéfice. L’activité rémunérée par l’attribution de ces options se limitait donc à celle exercée pendant les deux années suivant cette attribution (activité exercée entièrement en France).
En conséquence, le gain de levée d’option était totalement imposable en France.
Analyse
Sans donner de solution nouvelle, la décision du Conseil d’Etat en date du 18 octobre dernier confirme l’analyse de la doctrine administrative en matière de qualification de la période de référence.
Elle s’inscrit dans le même sens que la jurisprudence rendue sous l’empire de la législation antérieure pour l’application de la convention franco-belge sans toutefois qu’il y ait eu de modification des règles de territorialité depuis.
Source : Fidroit