Ce qu’il faut retenir
Les pouvoirs du gérant d’une société civile sont prévus par les statuts de celle-ci.
Lorsqu’un gérant dépasse les pouvoirs lui étant conférés, les tiers peuvent se prévaloir d’une telle violation des statuts.
Ainsi, lorsqu’un preneur louant par bail à long terme des parcelles auprès d’un GFA se voit délivrer un congé par le gérant sans autorisation de l’assemblée générale des associés, il peut invoquer les statuts du GFA pour faire annuler ce congé.
Conséquences pratiques
Si le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social dans les rapports avec les tiers, les clauses statutaires limitant les pouvoirs du gérant leur sont en revanche inopposables.
En conséquence, les limitations de pouvoirs ne sont pas opposables aux tiers mais les tiers peuvent, à l’inverse, les opposer à la société.
Pour aller plus loin
Contexte
Les statuts d’une société fixent les règles applicables aux gérants et associés, au sein de la société et dans les rapports avec les tiers. Aussi doivent-ils être rédigés avec soin.
L’étendue des pouvoirs du gérant d’une société civile n’est pas la même selon qu’il se place vis-à-vis de ses associés ou des tiers.
A l’égard des associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que nécessite l’intérêt de la société.
Dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social, les clauses statutaires limitant les pouvoirs du gérant étant inopposables aux tiers.
Mais cette dernière règle n’interdit pas pour autant aux tiers de se prévaloir des dispositions statutaires, ainsi que vient de le rappeler la Cour de cassation.
Faits et procédure
Un groupement foncier agricole (GFA) loue par bail rural à long terme des parcelles à un preneur, également cogérant du GFA. Ce preneur cède par la suite le bail à son fils.
Quelques années plus tard, le GFA, représenté par sa cogérante, délivre un congé aux fins de reprise au preneur.
Celui-ci saisit le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé et restitution de parcelles et bâtiments, en invoquant le fait que la cogérante n’avait pas pouvoir pour décider seule.
La Cour d’appel annule le congé litigieux pour défaut d’autorisation du gérant par l’assemblée générale extraordinaire.
Le GFA et la gérante forment alors un pourvoi en cassation.
Analyse
Bien que les clauses statutaires limitant les pouvoirs du gérant ne puissent pas être opposées aux tiers, ces derniers peuvent néanmoins invoquer une violation des statuts impactant leurs droits. Cette règle vise à protéger les tiers en cas de non-respect des pouvoirs entrant dans l’objet social.
En l’espèce, la cogérante avait dépassé ses pouvoirs en délivrant un congé sans autorisation préalable de l’assemblée générale extraordinaire des associés.
Le preneur, personne étrangère à la société, pouvait ainsi se prévaloir du dépassement de pouvoir commis par la cogérante du GFA pour requérir l’annulation du congé.
Le gérant doit donc respecter les règles encadrant ses pouvoirs : il ne peut pas prendre seul des décisions pour lesquelles une approbation de l’assemblée générale des associés est requise.
De plus, l’objet social doit également être clairement encadré et défini, puisque le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social dans les rapports avec les tiers.
S’il ne correspond pas ou plus aux activités que la société réalise, l’objet social peut être modifié en cours de vie sociale, par une substitution, une extension ou une réduction.
Civilement, la modification de l’objet social n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle.
Seules la réalisation et l’extinction de l’objet social entraînent la dissolution de la société.
Fiscalement, le changement d’objet social est assimilé à une cessation d’activité.
En pratique, une telle cessation entraîne l’imposition immédiate des bénéfices non encore taxés et des plus-values latentes, à moins que le changement d’objet social ne s’accompagne d’aucun changement d’activité.
Ainsi, en l’absence de création d’une personne morale nouvelle, il n’y pas d’imposition immédiate lorsque les deux conditions suivantes sont remplies :
- aucune modification ne doit être apportée aux écritures comptables ;
- l’imposition des bénéfices et des plus-values demeure possible sous le nouveau régime fiscal applicable à la société.
Ainsi, au regard des conséquences que peuvent avoir les actes accomplis par le gérant, une rédaction précise des statuts, tant au regard de l’objet social que des pouvoirs de la gérance, apparaît fondamentale.
Source: Fidroit