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VEFA : retard de livraison, les sanctions contractuelles ne font pas obstacle aux dispositions de droit commun

20.03.2019 07:00 | Accueil, Actualités, Fidroit, Immobilières

Le retard de livraison peut être justifié par le non-paiement du prix par l’acquéreur.

Ce qu’il faut retenir

La stipulation de sanctions contractuelles liées au retard de livraison n’exclut pas la mise en œuvre des solutions de droit commun telle que l’exception d’inexécution.

Conséquences pratiques

Le délai de livraison est un élément essentiel du contrat de vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) : le retard de livraison peut entraîner la responsabilité du vendeur qui peut être sanctionné par l’allocation de dommages-intérêts à l’acquéreur, et en cas de manquements suffisamment graves, par la résolution de la vente à la demande  de l’acquéreur.

En cas d’inexécution du contrat de la part de l’acquéreur (paiement conforme au calendrier), le vendeur peut suspendre l’exécution de sa propre obligation (les travaux). Dans ce cas, sa responsabilité ne peut être engagée.
Il s’agit dans les faits d’une forme de contrainte pour inciter l’autre partie à exécuter ses obligations.

La clause prévoyant des pénalités en cas de retard dans l’avancement des travaux (pour le promoteur) ou en cas de retard dans les paiements (pour l’acquéreur) ne fait pas obstacle à l’application du droit commun des contrats et donc à l’application de cette exception d’inexécution.

Pour aller plus loin

Contexte

L’acquisition d’un bien en l’état futur d’achèvement comporte des spécificités.
L’acquéreur devient propriétaire des constructions au fur et à mesure, en contrepartie, il est tenu de régler le prix également au fur et à mesure.
CCH. Art L 261-3

Une vente d’un bien à usage d’habitation qui prévoit des versements de prix avant l’achèvement de l’immeuble relève du régime dit « secteur protégé ».
CCH. Art L 261-10

Le régime juridique qui s’applique à ces opérations est d’ordre public, cela signifie que la vente en l’état futur d’achèvement répond à des critères fixés par la loi et auxquels on ne peut déroger.

Il se compose de deux étapes essentielles, le contrat de réservation et le contrat de vente définitif.

Il s’agit d’un contrat particulier qui permet, en contrepartie du versement d’un dépôt de garantie, de réserver un futur bien immobilier.

Afin d’assurer la protection du réservataire, ce contrat est nécessairement écrit et doit comporter plusieurs indications essentielles telles que la description de l’ensemble immobilier, le délai d’exécution des travaux, la situation du bien réservé, son prix et ses modalités de révision s’il y a lieu…
CCH.

Le montant du dépôt de garantie est également encadré (il s’élève au maximum à 5% du prix prévisionnel de vente lorsque la vente doit être signée dans l’année et à 2% si le délai n’excède pas 2 ans. Au-delà, aucun dépôt ne peut être exigé).

Un mois avant la signature de l’acte de vente, le projet est adressé au réservataire afin qu’il puisse prendre connaissance de celui-ci (et vérifier que le bien correspond à celui mentionné dans le contrat de réservation).

L’acte de vente est conclu devant notaire. La vente peut intervenir avant le commencement des travaux (au minimum, le vendeur doit avoir acquis le terrain et obtenu le permis de construire).

L’acte de vente comporte de nombreuses mentions obligatoires, dont :

  • la description du logement,
  • son prix, ses modalités de paiement et de révision éventuelle,
  • le délai de livraison et les pénalités de retard contractuelles à la charge des parties
  • la garantie d’achèvement ou de remboursement.

La loi prévoit un paiement progressif du prix, contrairement à une vente immobilière classique, où le versement du prix doit s’effectuer en totalité au moment de la signature de l’acte définitif.
Les paiements ne peuvent excéder :

  • 35% du prix à l’achèvement des fondations,
  • 70% à la mise hors d’eau (toiture et murs extérieurs réalisés),
  • 95% à l’achèvement des travaux,
  • le solde de 5% est versé à la livraison ou à la levée des réserves le cas échéant.

Les versements anticipés sont prohibés mais l’acquéreur qui ne payerait pas dans les délais serait débiteur de pénalités de retard (1% maximum par mois de retard) si cela est prévu dans le contrat.

L’achèvement d’un ouvrage correspond l’exécution complète de la construction. La notion est définie par les articles R.261-1 et R.261-2 du CCH (Code de la Construction et de l’Habitation).

Ces articles prévoient que « l’immeuble est réputé achevé lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d’équipement qui sont indispensables à l’utilisation, conformément à sa destination, de l’immeuble faisant l’objet du contrat ».

Remarque :

L’achèvement fait l’objet d’une garantie  » extrinsèque«  . En effet, la loi impose au promoteur de présenter la caution d’un organisme bancaire extérieur qui en cas de défaillance, remboursera les sommes versées, ou achèvera l’immeuble en lieu et place du vendeur.
CCH, art. R261-17 et s.

L’achèvement se distingue de la livraison de l’immeuble qui correspond à la remise des clés et à la prise de possession par l’acquéreur.

En matière fiscale, la notion d’achèvement est centrale (TVA, taxe foncière, dispositifs de défiscalisation immobiliers, etc.). Sa définition varie néanmoins selon l’impôt concerné.

En ce qui concerne le dispositif Pinel, l’administration fiscale a apporté des précisions dans sa doctrine 10 pour le Scellier – les commentaires du Pinel renvoient au Scellier. Elle considère qu’il convient de se référer aux conditions d’application de l’exonération temporaire de taxe foncière pour les constructions nouvelles et qu’à cet égard le logement est achevé lorsque l’état d’avancement des travaux en permet une utilisation effective.

L’achèvement correspond au fait générateur de la réduction Pinel (point de départ de l’imputation de la réduction d’impôt).

Pour bénéficier de l’avantage fiscal, l’achèvement du logement doit intervenir dans les 30 mois qui suivent la date de signature de l’acte authentique d’acquisition. A défaut, le contribuable ne peut pas bénéficier de la réduction.
Aucune dérogation n’est admise, rendue à propos des régimes locatifs Scellier et Duflot.

Un retard d’achèvement peut donc avoir des conséquences importantes car il prive l’acquéreur du régime défiscalisant.

Dans un tel cas, iI est possible de vendre le bien après achèvement. Il s’agira pour le nouvel acquéreur d’une acquisition portant sur un immeuble neuf qui ouvre droit à la réduction Pinel pour ce dernier.
Le fait que le bien ait déjà fait l’objet d’une mutation ne suffit pas en soi à faire perdre le caractère de logement neuf (qui s’entend des immeubles à usage d’habitation dont la construction est achevée et qui n’ont jamais été habités ni utilisés sous quelque forme que ce soit).

Remarque :

Aucune condition de délai d’achèvement n’est exigée en matière de réduction Censi-Bouvard.

Il est possible de céder le contrat de VEFA avant même l’achèvement des travaux. Le vendeur d’immeuble à construire ne peut s’y opposer.
Il s’agit alors bien d’une cession de contrat et non pas d’une cession de bien immobilier : il n’y a pas revente d’une faction d’immeuble acquis en l’état futur d’achèvement.

L’acquéreur du contrat, aussi appelé cessionnaire, reprend l’ensemble des obligations liées au contrat. L’acquéreur initial qui cède ses droits est, a priori, libéré de ses obligations en raison de la substitution prévue à l’article 1601-4 du Code civil (et CCH L 261-4).

Remarque :

La cession du contrat de VEFA par un non assujetti, comme la cession d’un immeuble neuf que le cédant avait acquis au moyen d’un contrat de vente d’immeuble à construire, n’est pas soumise à la TVA.

La cession est également soumise aux droits de mutation à titre onéreux au taux normal.

Lorsque l’immeuble est achevé, il s’agira alors d’une vente immobilière classique.

Faits et procédure

La société X, promoteur immobilier, vend en l’état futur d’achèvement un immeuble destiné à l’habitation à la société Y. Cette dernière, se plaignant d’un retard de livraison, a assigné la société X en indemnisation.
A titre reconventionnel, la société X a demandé le paiement d’indemnités de retard contractuellement prévues en raison d’un paiement tardif du solde du prix des travaux.

La Cour d’appel de Dijon condamne le promoteur au paiement d’une indemnité de retard de livraison. Selon cet arrêt, le promoteur ne pouvait pas se prévaloir de l’exception d’inexécution (et donc suspendre l’exécution de sa prestation) dès lors que des pénalités contractuelles avaient été prévues au contrat en cas de retard de l’une ou l’autre des parties (avancement des travaux / paiement du prix).

Le promoteur s’est donc pourvu en cassation.

Arrêt

Cette solution a été rendue conformément au droit des obligations avant la réforme opérée en février 2016. Elle semble transposable à l’exception d’inexécution désormais codifiée aux articles 1219 et suivants du Code civil.

Analyse

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Selon elle « la stipulation de sanctions à l’inexécution du contrat n’exclut pas la mise en œuvre des solutions issues du droit commun« .
Sauf renonciation expresse et non équivoque, le droit commun des contrats s’applique. Le promoteur pouvait donc faire valoir l’exception d’inexécution.

Source: Fidroit